mardi 24 mars 2009

La vie de bourreau



Quand un italien vous parle en français, le mot "bureau" se transforme en "bourreau". Troublante coïncidence, révélatrice de nos pensées profondes.


Nous allons donc au "bourreau" cinq fois par semaine, avec tous les matins (du moins le lundi matin) la même tête. Que l'on y vienne en train, en métro ou en voiture, croisez le regard de votre voisin le plus proche et vous y lirez la même détresse. Observez plus attentivement. Mine grise, oeil éteint, épaules courbées, voici le profil de vous, de votre collaborateur, de votre compagnon, etc.Tous les matins, à travers le monde entier, des réveils émettent un son strident alors que le soleil s'est à peine levé. Des gens se hissent péniblement hors du lit, s'étirent, pensent à aller se recoucher sous la couette duveteuse quelques minutes de plus, jettent un regard à leur montre et pestent d'être déjà en retard sur le planning de la journée.


Tous les matins, des gens s'habillent de leur bleu de travail, de leur blouse blanche, ou de leur costume. Certains cherchent comme des fous le jumeau de leur chaussette gauche; d'autres soupirent après une séance de maquillage dont les résultats escomptés ne sont pas ceux espérés.


Et puis, il y a EUX. Ceux qu'on déteste avoir devant soi à 8h du matin. Ces gens qui semblent si apaisés, et qui sourient béatement et bêtement dans le vide. Ce phénomène étrange semble toucher 1 individu sur 100. D'humeur joyeuse, l'individu pense au travail à accomplir alors qu'il est encore sous sa douche, aux différents dossiers à traiter, aux collègues à motiver ( et à ceux qui en profitent pour appeler leur famille depuis le téléphone de la société ).De nombreux scientifiques ont bien essayé de comprendre cette maladie. Ils ont mis à l'épreuve plusieurs remèdes mais l'amour du métier semble être plus dur encore à vaincre que le virus du SIDA.


Au fur et à mesure, la maladie évolue. Les "travailleurs" dorment moins, mangent moins, sont mis à l'écart par leurs amis tels les lépreux du Caire. L'ordinateur exerce sur eux un pouvoir d'attraction comparable à une ampoule allumée pour un papillon de nuit. Ils dépérissent de jour en jour et décident de dédier leur vie au travail et à rien d'autre. Ni famille, ni chien, ni amis, et encore moins de retraite pour ces gens-là. (D'après une étude de Jobbs et Henri, 1999, 95% des malades ne résisteraient pas au choc de la retraite et décideraient de se suicider)Mais le pire effet de ce fléau reste le fait qu'ils ne travaillent pas pour l'argent... Mais bien pour la réussite professionnelle.


Je vois déjà certains de mes lecteurs s'esclaffer. Lecteurs, attention !

Je préfère vous mettre en garde :
Vous non plus, vous n'êtes pas à l'abri d'aimer un jour votre travail.